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Durant tout le trajet qui menait dans ce village perdu au milieu de la cambrousse, je n’ai pas desserré les dents une seule fois. Tassé sur le siège passager de la voiture, je vivais un véritable cauchemar. Le week-end d’HAL-LO-WEEN, je n’arrêtais pas de ruminer, passé à Trou-Perdu-les-Oies chez la TANTE MAUDE. AU SECOURS !!!

La tante Maude est une parente âgée que l’on voit deux ou trois fois par an. Elle habite très exactement au milieu de nulle part dans une maison mal éclairée qui sent la cire et le chou. Inutile de préciser qu’il n’y a chez elle ni ordinateur, ni console de jeux, ni quoi que ce soit d’autre qui puisse être d’un intérêt quelconque tant que l’on n’a pas l’âge de porter des fausses dents. Elle me crie dans les oreilles sans avertissement, me pince la joue toutes les cinq minutes et croit dur comme fer que j’ai encore six ans. Ce n’est pas que je la déteste, non, non. Simplement nous ne sommes pas faits, elle et moi, pour des tête-à-tête prolongés.

Et si encore il n’y avait eu que la tante Maude à supporter…

L’idée de génie de ma chère maman, c’était de m’emmener avec elle dans son périple traditionnel du jour de la Toussaint, à savoir la visite des tombes de tous les disparus de sa nombreuse famille. Que cela te plaise ou non, avait-elle averti, on part chez la tante dans l’après-midi du 31, on fait la tournée des cimetières le lendemain et on ne rentre que le dimanche suivant.

Visiter les cimetières, je n’avais rien contre tant qu’il s’agissait de jouer, un soir de temps en temps, à Bouh ! Fais-moi peur avec les copains. Mais ce qui m’attendait à présent n’avait rien d’une séance de fou rire, bien au contraire. Pire que ça encore : je pouvais faire une croix sur la soirée d’Halloween de cette année…

Merci maman chérie, je te revaudrai ça

, marmonnais-je entre mes dents en fixant par la vitre un paysage que je ne voyais même pas.

Celle-ci a klaxonné un cycliste qui ne se rangeait pas assez vite, a fait rugir inutilement le moteur de la Clio puis nous a regardés du coin de l’œil, moi et mon silence obstiné :

– Arrête de bouder, je te prie.

Elle a poussé une cassette dans le lecteur, et une musique d’opéra – j’ai horreur de l’opéra – a empli l’habitacle. Génial, j’ai pensé. Absolument génial. Si j’avais été tout seul dans la voiture, je crois que – tout comme la cantatrice de la cassette – je me serais mis à brailler comme une madeleine.

Je ne vais pas détailler le reste du voyage, cela n’en vaudrait pas la peine. Signalons simplement qu’il m’a semblé particulièrement interminable.

Nous sommes parvenus par une petite route cahotante dans ce ramassis de bicoques tristes à en mourir qui portait pompeusement le titre de village (et qui n’est – je parie – sur aucune carte récente), nous avons tourné à l’angle du cimetière et la Clio a remonté la ruelle qui menait jusque chez tante Maude.

Cette dernière nous attendait de pied ferme au pas de sa porte, plus boudinée que jamais dans son éternel corsage mauve à gros pois. Ma mère est descendue la première, et tante Maude l’a accueillie à grand renfort de Oh ! de Ah ! et d’étreintes passionnées. Je suis sorti à mon tour, me faisant aussi discret que possible, mais la bonne mamie avait l’œil : comme je le craignais, elle a planté là sa première victime pour se précipiter sur moi et me happer par le bras :

– Mais c’est mon petit Auréliounet chéri ! (smack) Viens là que je te serre dans mes bras ! (smack)

J’essayais bien de me débattre, mais malgré son âge, elle avait une poigne d’enfer la tante Maude. Elle avait dû faire du catch ou du judo dans sa jeunesse.

– Bonjour tata, ai-je fini par réussir à articuler.

Mon assaillante m’a saisi la joue et l’a secouée sans ménagement.

– Mais c’est qu’il a encore sa frimousse de bébé, mon Auréliounet.

Puis, sans me laisser le temps de récupérer, elle m’a entraîné vers le hall d’entrée :

– Viens boire un bol de Nesquick. Après, tu pourras t’amuser : je t’ai acheté un album de coloriage.

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Tous droits réservés
(C) 2015-16 Jérémie Cassiopée

Illustration: Marzena Pereida Piwowar

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