RÉCITS FANTASTIQUES GRATUITS

PAGE 10

J’ai jeté un œil par la fenêtre et mon cœur a fait un sacré bond.

Car il était là en bas à m’attendre le fossoyeur. Il se tenait dans le clair de lune sur le trottoir d’en face, le mégot à la bouche. Il a dû sentir ma présence car il a levé la tête et a fait un geste dans ma direction. Puis il a tapoté lentement sur le dessus de son poignet, comme pour me rappeler les règles élémentaires de la ponctualité.

Cette fois-ci, je n’ai fait ni une ni deux. J’ai sauté dans mes chaussures et j’ai laissé derrière moi le confort douillet de ma chambre, dévalant l’escalier aussi silencieusement que j’en étais capable.

Quand je suis sorti de la maison, l’endroit était désert. Sur le trottoir d’en face, j’ai trouvé son mégot : je n’avais donc pas eu la berlue. J’ai attendu un peu, puis je me suis décidé à prendre, tout seul comme un grand, la direction du cimetière.

J’ai descendu la longue rue sinueuse et mal éclairée. Déjà, dans la journée, elle n’avait franchement pas bonne mine, mais la nuit venue, avec tous ces recoins pleins d’ombres et ces pavés déchaussés qui luisaient sous la lune, elle prenait un caractère joyeusement inquiétant.

Un frisson brûlant m’a traversé l’échine, un frisson d’appréhension et d’excitation mêlées.

J’ai poursuivi ma descente jusqu’en bas de la rue et je me suis retrouvé le cœur battant devant l’entrée du cimetière.

J’ai hésité un instant. Qu’est-ce que j’allais trouver derrière le mur ? Rien peut-être. Le gars m’aurait simplement fait une bonne farce et aurait filé en douce, passant la journée du lendemain à rigoler sur mon compte. Ou alors j’aurais affaire à un adolescent attardé – comme dit si bien ma mère – qui m’attendrait déguisé en Dracula en espérant me faire peur, ou alors à un détraqué qui se jetterait sur moi pour m’assommer à coups de pelle, ou alors…

J’ai secoué la tête pour m’éclaircir l’esprit. J’ai pris le temps de respirer profondément deux ou trois fois et j’ai poussé dans un grincement sinistre la grille de métal rouillé.

Le fossoyeur m’attendait appuyé nonchalamment contre une cabane en bois – sa remise à outils très certainement –, un nouveau mégot refroidi coincé entre ses lèvres. Il n’était pas déguisé, ni en Dracula ni en quoi que ce soit d’autre censé épouvanter les foules, et ne donnait pas non plus l’impression qu’il allait se jeter sur moi pour me fracasser la tête. Il m’a regardé m’avancer vers lui puis il a simplement lâché :

– J’avais dit onze heures précises, fiston.

Pour toute réponse, j’ai haussé les épaules. J’avais répondu à son invitation, non ? Il aurait dû s’estimer heureux de me mener comme ça par le bout du nez. Et puis, de toute façon, qu’est-ce qu’il avait de si excitant à me montrer ? Des morts qui marchent et qui parlent, hein ? Il me démangeait sacrément de voir ça…

– Quoiqu’il en soit, tu as bien fait de venir, a-t-il ajouté. Tu ne le regretteras pas. Suis-moi maintenant.

Il a tourné les talons et s’est enfoncé dans l’obscurité du cimetière. Je l’ai suivi sans autre formalité. Qu’est-ce qu’il avait caché là-bas, entre les tombes ? Si ça méritait le coup d’œil, ce type étrange pouvait peut-être encore – contre toute attente – sauver in extremis l’Halloween de cette année de la déroute totale.

J’étais bien loin de me douter, cependant, que ce qu’il allait me faire découvrir allait bouleverser mon existence.

(Suite sur PAGE  11)

.

Tous droits réservés
(C) 2015-16 Jérémie Cassiopée

Illustration: Marzena Pereida Piwowar

"Les Aventuriers de l'incroyable": Ce n'est ni du Harry Potter, ni du Oksa Pollock, ni du Bobby Pendragon. C'est différent, mais c'est bien aussi ! Essayez ce récit, et vous serez conquis !

Si vous avez aimé votre lecture, le texte est à présent disponible - à tout petit prix - en version numérique et imprimée. Pour tous détails, cliquez sur SE PROCURER LE LIVRE.
Ce site web a été créé gratuitement avec Ma-page.fr. Tu veux aussi ton propre site web ?
S'inscrire gratuitement