RÉCITS FANTASTIQUES GRATUITS

PAGE 17

J’ai réfléchi à tout cela en effet, et devinez quoi : à peine une heure plus tard (et je compte là-dedans les vingt minutes prises à profiter d’une douche bien méritée), j’arpentais la ruelle qui redescendait vers les tombes. La veille encore, tandis que les douze coups de minuit sonnaient au clocher de l’église, je m’étais promis de ne plus jamais remettre les pieds dans un endroit pareil. À présent pourtant, malgré mon émotion, un appel irrésistible me poussait à y retourner.

Je vous entends déjà me dire : Quoi ? Une heure de cogitation seulement ? Après tout ce qui s’est passé ? Cela pourra sembler expéditif, c’est vrai, mais je vous assure que je n’ai pas eu besoin de plus pour aboutir à la seule conclusion possible : quelque chose d’extraordinaire était en train de m’arriver.

Je savais la tante Maude incapable de me faire marcher – ce n’est pas son genre d’humour –, et même si ses manies de grand-mère gâteau m’avaient irrité plus d’une fois, elle avait sans l’ombre d’un doute la tête encore bien plantée sur les épaules. Ce qu’elle m’avait raconté de sa propre aventure était saisissant, définitif : à quelques détails près, c’était la même que la mienne.

Ajoutons à cela qu’elle avait mis en plein dans le mille : si j’avais détalé comme un lapin la nuit précédente, c’était pourtant loin d’être la pure terreur qui, par la suite, m’avait tenu éveillé. Je vous ai parlé d’une agitation extrême. J’ai même employé le mot folie. La vérité – je l’ai soudain réalisé – c’est que je me tournais et retournais dans mon lit avec une seule obsession en tête : l’espoir que mes craintes pourraient se trouver vérifiées !

Une heure de réflexion seulement, donc ? Non, une heure pleine et entière pour sentir la conscience du rôle que j’avais à jouer grandir en moi. Tous les éléments se mettaient en place. J’avais été choisi pour recevoir le baptême. On m’avait jugé capable de devenir à mon tour l’élu. Je pouvais enfin mettre une explication – et quelle explication ! – sur mes préférences marquées pour une certaine période de l’année, sur la montagne de déguisements dans ma chambre et sur mon attirance de toujours pour l’étrange et le morbide.

C’est donc d’un pas exalté que j’ai de nouveau franchi la grille du cimetière. La tante Maude, entre autres dons, avait eu celui d’attiser ma curiosité. Qu’est-ce qu’il me restait donc à découvrir que j’ignorais encore ? Quand j’ai enfin compris ce qu’elle voulait dire, je suis resté sonné pendant un bon moment, incapable de faire autre chose que de laisser défiler devant mes yeux les images fabuleuses des événements de la nuit précédente. Je n’avais pas vu venir le coup, et pourtant, j’aurais dû : c’était logique à bien y réfléchir.

Certaines âmes perdues ont une mission sur cette terre, celle de rencontrer les vivants et de leur ouvrir les yeux. Quand ils sont sûrs qu’ils ont réussi, ils s’effacent, tout simplement, et vont là où ils attendaient d’aller. C’est précisément ce qui, dans mon cas, était arrivé.

Car voyez-vous, la tombe sur laquelle je me suis arrêté – je l’ai repérée presque immédiatement en franchissant la grille – portait deux dates : 1836 – 1898, et pour toute épitaphe la mention d’une profession : Fossoyeur. Elle portait surtout un nom, un nom improbable, qui sonnait comme une poignée de terre jetée sur le bois d’un cercueil. Je vous laisse deviner lequel.

(Suite et fin sur PAGE 18)

.

Tous droits réservés
(C) 2015-16 Jérémie Cassiopée

Illustration: Marzena Pereida Piwowar

"Les Aventuriers de l'incroyable": Ce n'est ni du Harry Potter, ni du Oksa Pollock, ni du Bobby Pendragon. C'est différent, mais c'est bien aussi ! Essayez ce récit, et vous serez conquis !

Si vous avez aimé votre lecture, le texte est à présent disponible - à tout petit prix - en version numérique et imprimée. Pour tous détails, cliquez sur SE PROCURER LE LIVRE.
Ce site web a été créé gratuitement avec Ma-page.fr. Tu veux aussi ton propre site web ?
S'inscrire gratuitement