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J’ai ouvert la bouche, mais pour dire quoi ? Tout ce que j’ai réussi à bredouiller, c’est un misérable :

– Co-comment ?

Mon compagnon a fait la grimace, désignant clairement quelque chose à mes pieds. J’ai suivi son regard, et j’ai réalisé que je piétinais allègrement une stèle. L’épitaphe qui l’accompagnait m’a sauté aux yeux :

Sors de là, tu marches sur ma tombe.

J’ai fait un bond de côté et le fossoyeur a éclaté d’un rire silencieux.

Moi, je ne trouvais pas cela drôle du tout.

Pour la première fois de ma vie, je ne comprenais plus rien à mon jeu préféré. J’étais en état de choc. Je transpirais à grosses gouttes.

Mon compagnon, quant à lui, semblait on ne peut plus à l’aise. Il a fini par retrouver son sérieux et m’a regardé longuement.

– Ce n’est pas encore fini, tu sais, a-t-il finalement déclaré. Je t’ai promis des morts qui parlent, mais aussi des morts qui marchent. Je tiens toujours mes promesses.

J’ai failli pousser un nouveau hurlement, un cri désespéré qui voulait dire : ça suffit, mais le fossoyeur, d’un doigt sur la bouche, m’a ordonné le silence. Il a désigné la tombe la plus proche de moi. Malgré moi, j’y ai jeté un œil. L’inscription était cinglante :

Ne crie pas, on essaie de dormir ici !

J’ai senti mon visage se vider de ses derniers restes de couleur. J’ai tourné comme un pantin désarticulé, ne sachant s’il fallait fuir ou rester. Les pierres tombales se dressaient tout autour de moi, m’encerclant comme de sinistres mercenaires de pierre. Mes yeux sont tombés sur le mausolée, et là, juste devant, j’y ai vu ce que je redoutais de voir, et cela m’a glacé le sang.

L’apparition se matérialisait en arrachant des lambeaux de ténèbres. Elle ne s’était pas glissée enveloppée de brume par la grille du mausolée derrière elle, ni extirpée hors de terre à grand renfort de grognements inarticulés. Non, non : c’est la nuit elle-même qui la pétrissait en une créature monstrueuse, une créature qui avait vaguement forme humaine et qui à présent glissait vers moi sans un bruit.

J’ai jeté un regard circulaire, cherchant désespérément du renfort, et mon cœur a cessé de battre. De Childéric Zac, plus aucune trace : mon fossoyeur m’avait faussé compagnie, me laissant sans scrupule à mon triste sort !

L’apparition a continué son avance inexorable. J’étais figé sur place. Quand elle a été assez près, deux yeux blancs se sont ouverts dans la masse noire qui lui servait de tête, deux yeux blancs sans pupilles qui se sont rivés dans les miens.

J’ai eu un mouvement de recul, et j’ai soudain retrouvé l’usage de mes jambes. Je me suis échappé en hurlant, détalant à travers les tombes – adieu, et sans regrets, mausolées, stèles et épitaphes en tous genres ! – plus vite que je n’avais jamais couru.

Quelque part dans le village, l’église a sonné l’heure de son carillon lugubre. Il était très exactement minuit.

(Suite sur PAGE  15)

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Tous droits réservés
(C) 2015-16 Jérémie Cassiopée

Illustration: Marzena Pereida Piwowar

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