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Nous avons marché en silence dans l’allée centrale pendant un petit moment – cric crac faisait le gravier sous nos pas – puis nous avons tourné sur la gauche pour naviguer entre les stèles. La lune était pleine et le ciel dégagé, j’y voyais suffisamment pour lire les inscriptions (les épitaphes, pour employer le vocabulaire de ma mère) sur certaines des pierres :

Cherche partenaire pour jouer aux osselets, disait l’une d’elles.

Paix à mes cendres : ne pas éternuer, disait une autre un peu plus loin.

Je reviens dans 5 minutes, ajoutait une troisième.

Amusant, curieux même, mais jusque-là, rien de véritablement intrigant. Comme je l’ai déjà mentionné, des virées nocturnes dans les cimetières, j’en avais déjà fait quelques-unes avec les copains. Je savais à quoi m’attendre.

C’est en nous arrêtant près du mausolée – une construction biscornue en pierre appuyée contre le mur – que les choses ont commencé à déraper.

D’un geste de la main – l’index pointé vers le ciel, comme s’il allait prononcer une sentence – le fossoyeur m’a ordonné d’être attentif. Je me suis vraiment demandé où ce petit jeu allait nous mener.

Je n’ai pas eu à attendre longtemps. La réponse est venue brutalement.

Parmi les pierres, l’herbe et le gravier, venues d’on ne sait où, des voix, semble-t-il, chuchotaient. J’ai tendu l’oreille, interloqué : non seulement elles chuchotaient, mais elles s’adressaient à moi. J’ai tout naturellement pensé à une bonne blague, un enregistrement sur l’un de ces vieux magnétos par exemple, ou même un ou deux plaisantins cachés derrière des tombes, et j’ai failli éclater de rire.

J’ai jeté un bon coup d’œil tout autour de moi, prêt à crier à la supercherie, mais de magnétophone point, et de plaisantins encore moins.

Les voix devenaient chaque instant plus nombreuses, plus perceptibles. C’était une cacophonie de chuchotements abrupts qui sonnaient comme des commandements.

On m’appelait, juste derrière moi. J’ai virevolté : rien.

Un autre appel près de mon oreille droite. Même volte-face : toujours rien.

J’ai tourné sur moi-même comme une toupie, submergé à présent par une avalanche de cris étouffés qui me vrillaient les tympans. Les phrases que j’entendais n’avaient pas de sens. Les mots se bousculaient, se chevauchaient : … préviens d’urgence… … elle attend depuis si longtemps… … j’ai froid, j’ai si froid… … la lumière, apporte la lumière… … sous la troisième tombe, tu m’entends ?…

Je me suis surpris à secouer la tête et, à ma propre stupéfaction, j’ai serré les paupières et j’ai pressé mes mains contre mes oreilles. Je ne parvenais pas à croire que cela arrivait. Dans ma tête douloureuse, le flot incontrôlable devenait assourdissant : … je t’en prie… … tu ne m’entends donc pas… … mais écoute, écoute-moi… … par ici, viens par ici… … regarde, REGARDE AVANT QU’IL NE SOIT TROP TARD

Je n’entendais même plus les battements de mon cœur qui cognait comme un fou dans ma poitrine. Dans mon désarroi, je n’ai rien trouvé de mieux que de tomber sur les genoux et de pousser une longue plainte stridente qui a dû porter jusqu’à l’autre bout du village.

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Tous droits réservés
(C) 2015-16 Jérémie Cassiopée

Illustration: Marzena Pereida Piwowar

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