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– J’avais à peu près ton âge quand il m’a abordé. Quelle question t'a-t-il posée ? Moi, je m’en souviens encore, il m’a demandé : Tu veux danser avec des esprits ? J’avais des goûts très particuliers pour une jeune fille de mon âge, tu sais. Les histoires de revenants me fascinaient. Je dévorais littéralement tout ce qui s’y rapportait : les histoires publiées dans les journaux, les magazines, les romans. Je m’amusais même à faire peur aux copines à l’internat... Il m’a donc posé la question, et comme j’étais intriguée, je l’ai suivi. Aucun de mes sens n’a été épargné. J’ai eu cette nuit-là le choc de ma vie.

J’ai bien regardé la tante Maude : jamais elle n’avait été aussi sérieuse. Elle a avalé d’une traite le reste de son thé à la framboise – gloup gloup a fait sa gorge – puis elle a repris :

– Ils ne sont pas méchants, les autres. À bien réfléchir, la plupart sont simplement désemparés, désemparés et effrayés. Mais j’étais trop jeune, j’ai pris peur. J’ai refusé de poursuivre la relation, refusé de devenir leur intermédiaire. Je me suis fermée à eux, définitivement. Je n’ai jamais parlé de tout cela à personne. Quand je t’ai vu dans le cimetière, j’ai su que le fossoyeur avait trouvé quelqu’un d’autre à qui parler.

Elle a plongé ses yeux dans les miens en hochant gravement la tête, et j’ai compris pourquoi sa façon de me parler avait changé : je lisais très clairement un respect naissant dans son regard.

– Jamais je n’aurais imaginé que cela pourrait être toi, a-t-elle poursuivi, mais quand j’y pense, cela n’a rien d’étonnant. Ce genre de don, c’est de famille.

Un sourire s’est étiré sur sa face ronde de grand-maman.

– Je parie que tu n’as pas dû fermer l’œil de la nuit. Je parie aussi que ce n’est pas la peur qui t’a tenu éveillé, mais plutôt l’excitation... C’est bien. Moi, je me suis enfermée dans ma chambre toute la semaine qui a suivi. Toi, tu es déjà debout, et tes joues ont gardé leur belle couleur pêche. Je te sens plus hardi, prêt à affronter ta destinée. Je te souhaite bonne chance, Aurélien.

Je ne savais quelle contenance adopter ni encore moins quoi répondre. La tante Maude continuait de me sourire, mais dans son regard, je lisais tout le sérieux du monde. Je me suis senti rougir jusqu’aux oreilles, et histoire de ne pas rester planté comme un idiot, j’ai tendu la main vers la boîte de Nesquick.

Ma tante m’a attrapé la main.

– Tu es trop grand pour cela, maintenant.

Elle a saisi la casserole derrière elle et m’a versé un plein bol de café noir fumant.

– Bois, cela te fera du bien. Ensuite, réfléchis à notre conversation. Quand tu auras fini, retourne au cimetière. Ce que je ne t’ai pas encore dit, tu le découvriras toi-même.

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Tous droits réservés
(C) 2015-16 Jérémie Cassiopée

Illustration: Marzena Pereida Piwowar

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